Roman Belle Époque, Expositions universelles Tome I

Paris, 1867. Ne poussez pas, voyons ! La foule se presse, impatiente, sur le trajet du carrosse de l’empereur Napoléon III venu inaugurer l’Exposition universelle. Charles est journaliste, il s’est procuré un laissez-passer pour entrer sur le Champ-de-Mars. Louis est commis d’un négociant en vins de Bercy. C’est par hasard qu’ils se rencontrent et que naît leur amitié. Deux ans plus tard, le Second Empire s’effondre et laisse la place à la IIIe République, aussitôt prise de convulsions… Charles est à Versailles lorsque la Commune éclate, Louis, à Paris. Une expérience qui le marquera à jamais.

Paris, 1889, Paris accueille une nouvelle exposition. Charles et Louis sont tous deux mariés, place à la génération suivante. Thérèse est une jeune femme riche et oisive, Clément un métis venu à Paris faire des études de médecine. Ils se rencontrent sur le site de l’exposition. Une rencontre qui va bouleverser la vie de Thérèse. Elle qui était reçue dans les salons se voit rejetée par la haute société. Odette, quant à elle, est une chanteuse de cabaret. Son rêve, épouser un homme qui la sortira de sa condition de demi-mondaine. Une condition qui lui collera à la peau, quoi qu’elle fasse…

Début d’un voyage à travers une époque que l’on a dit belle et qui a été porteuse d’espoirs, mais aussi de désillusions, pour ceux qui l’ont vécue.

Sur l’esplanade des Invalides, on faisait la queue pour visiter le village nègre du Gabon. Pour cinq sous, on pouvait acheter une petite brochure explicative parlant des coutumes des indigènes : les scarifications, les danses frénétiques, le fétichisme, la polygamie. On déambulait entre les cases, séparé des habitants par des barrières. Des reconstitutions mettaient en scène les pratiques cannibales…

Avis & Chroniques

La période, qui s’étend du Second Empire à la Première Guerre mondiale, est marquée par des bouleversements d’une ampleur exceptionnelle dans les domaines social, culturel, technique et économique. Hervé Devred nous en fait redécouvrir et souvent découvrir les multiples facettes, à travers le récit des péripéties de deux amis, de leurs familles et de leurs proches. Il nous plonge dans les espoirs et les contrariétés que créent ces changements rapides et profonds, les tensions qu’ils suscitent dans la société, les désillusions qu’ils entraînent, ou encore dans les secousses qui agitent la vie politique, que ce soit le drame de la Commune ou les déchirements de l’affaire Dreyfus.

Les personnages qui sont au cœur de l’action ont des origines sociales les plus variées – commis de magasin, couturière, peintre, danseuse de cabaret, industriel, f inancier, etc. Leurs parcours de vie, qui s’entrecroisent, les amènent à être témoins ou acteurs d’événements représentatifs d’une époque que l’on qualifie de belle, sans doute en raison de la foi dans le progrès qui était de mise. Le soin apporté par l’auteur à fixer le cadre du roman, à décrire les états d’âme et le ressenti des personnages, le style de la présentation et la qualité de l’écriture rendent la lecture des plus agréables. Le premier tome couvre la période qui va de l’Exposition universelle de 1867 au début du xxe siècle ; le second tome est attendu pour la fin de l’année. 
> Hubert Jacquet. J&R, numéro de mai 2023

L’écriture coule bien. On s’attache aux personnages et on a plaisir à suivre leurs destins entrelacés. L’intérêt dramatique culmine à la fin avec l’affaire du meutre du député.

Pour un lecteur comme moi (je ne parle que pour moi), il y a un double intérêt à fréquenter par la lecture des milieux différents et à parcourir l’histoire de France de la fin du second Empire et des débuts le la 3e République sans que cela paraisse lourdement didactique. Le choix des personnages est à cet égard ingénieux.

La précision documentaire qui aide le lecteur à se représenter physiquement ce qui se passe est un parti pris acceptable. C’est en quelque sorte (par comparaison avec le cinéma ou le théâtre) un roman à costumes avec décors.
Le tout est presque cinématographique : on verrait bien une transposition en série télévisée.
Dominique L. (Osny)

Extrait

Louis se sentait bien au milieu de tous ces gens. Ils l’avaient accepté tout de suite. Le 21 mai, ils étaient occupés à consolider la barricade. Il les avait fait profiter de son expérience de la place d’Orléans. Ils avaient travaillé jusque tard dans la soirée, s’arrêtant juste pour manger un morceau de pain et boire du vin à la bouteille à midi. Le pain, c’était Hyacinthe qui le cuisait. Le soir, Madame Gérard avait préparé de la soupe avec quelques morceaux de lard et une bouillie de fèves. Elle s’était installée dans la cuisine d’un appartement bourgeois au rez-de-chaussée d’un immeuble. Elle avait tout sur place, le fourneau, les chaudrons, les casseroles… On avait allumé un feu à l’abri de la barricade et on s’était installé autour. Eugénie avait distribué de la vaisselle réquisitionnée dans l’appartement. On avait bien rigolé. Gobert avait dit : « On devrait faire la révolution plus souvent. C’est la première fois que je mange dans de la vaisselle en faïence. »

Pendant qu’on cassait la croûte, on avait discuté de l’organisation de la défense. On manquait d’armes. Pas de canon ni de mitrailleuses, mais, de toute façon, on n’aurait pas su s’en servir. Ce qui manquait, c’étaient les fusils. Il n’y en avait pas un pour tout le monde. Prosper irait en chercher le lendemain à la caserne de la Garde Nationale avec l’un des deux Fernand. En attendant, on institua un tour de garde pour la nuit. On se passerait les fusils au moment de la relève.

Il était déjà tard, mais on n’avait pas envie de se quitter. On continua à bavarder. Eusèbe racontait des blagues. Cornillier entonna des chants révolutionnaires. Nathanaël sortit un violon d’on ne sait où et joua des airs de son pays. La Silésie. Il paraît que là-bas, ils ont des hivers comme celui qu’on a eu pendant le siège tous les ans. Et ça dure des mois et des mois. Louis décida de rester dormir sur place. Beaucoup de logements avaient été abandonnés. Il trouva sans difficulté une chambre vide avec un matelas sous les combles. Il aurait pu s’installer dans une chambre plus confortable dans les étages inférieurs, mais il n’osa pas.