Roman La taverne du diable

Paris, juillet 1893. Ludmilla, la célèbre meneuse de revues du café-concert des Folies-Daubigny, est retrouvée morte dans son appartement. Amandine, sa meilleure amie, est effondrée, et c’est elle qu’on accuse ! La police peine à démêler cette affaire. Il faut dire qu’elle a d’autres chats à fouetter ! L’atmosphère est tendue dans la capitale. Des élections doivent avoir lieu à la fin du mois d’août, et on craint un attentat fomenté par des émules de Ravachol, comme le petit groupe qui se réunit à la Taverne du Bagne et que fréquente Amandine.

Alors, c’est Joseph qui s’y colle. Commence alors une enquête qui le mène du casino de Houlgate aux coulisses des Folies-Daubigny en passant par la ligne de départ de la course Paris-Bruxelles. L’assassin est-il le protecteur de Fernande, la rivale de Ludmilla ? Ou bien est-ce le corbeau qui harcelait la jeune femme et qui s’en prend désormais à Zoé, une autre danseuse du cabaret ? Voilà que Joseph a désormais deux affaires sur les bras : la protection de Zoé et la recherche de l’assassin de Ludmilla. Et qu’est-ce qui pousse la mystérieuse Flora, adepte du spiritisme, à s’acharner contre Amandine ? La jalousie d’une demi-sœur mal-aimée ?

Enquête atypique dans la France de la Belle Époque. Belle ? Les danseuses des Folies-Daubigny lèvent haut la jambe, mais les coulisses sont bien sombres…

Il était insupportable lorsqu’il prenait cet air faraud, avec sa chemise blanche largement ouverte sur sa poitrine glabre, une mèche châtain clair lui barrant le front et les cheveux soigneusement dépeignés débordant sur la nuque. Une attitude qui était supposée lui donner l’air d’un poète, mais qui cachait mal l’adolescent malingre qu’il était resté malgré la fortune qui l’avait favorisé trop tôt..

Extrait

La Taverne du Bagne, 12, rue de Belleville. Une institution. Plaques en fer blanc sur la façade, deux portes, celle des condamnés, par laquelle on entrait sous l’œil soupçonneux de deux garde-chiourmes, celle des libérés, qui ne s’ouvrait qu’à ceux qui avaient un certificat de libération. Serveurs en tenue de bagnard, portant sous le bras un boulet relié par une chaîne à leur cheville, scènes du bagne sur les murs, soupe kanake au menu et absinthe Nouméa à volonté. Maxime Lisbonne, ancien communard, défenseur de la barricade du boulevard Voltaire, huit ans de bagne en Nouvelle-Calédonie, veillait sur cet établissement d’un genre particulier en tunique de zouave, pantalon large dans des bottes molles, écharpe rouge et chapeau noir avec une plume rouge.

Le condamné qui pénétra ce 11 juillet 1893 dans la Taverne du Bagne était une grande et belle jeune femme. On ne l’eût pas laissée entrer si on ne la connaissait pas : Maxime Lisbonne tenait à la réputation de son cabaret et n’y recevait pas les femmes seules.
Amandine était accoutumée à ce que tous les regards se tournent vers elle lorsqu’elle entrait. Les plus hardis se permettaient un sifflet d’admiration, mais jamais un geste déplacé. La plupart étaient plus petits qu’elle et on savait que la dame ne se laissait pas faire (elle avait la gifle facile). Elle se dirigea vers une table au fond de la salle, à laquelle étaient attablés une dizaine de gaillards d’une vingtaine d’années et trois filles. Un homme plus âgé trônait au milieu d’eux. La cinquantaine, bedaine avantageuse, carrure imposante, barbe poivre et sel, cheveux filasse de couleur indéfinissable auréolant un visage large au nez épaté, il avait les yeux profondément enfoncés sous des sourcils très noirs et portait un gilet élimé et une chemise de propreté douteuse…